ART 162 Ce matin , j'ai pleuré...
Hier,10h55 sur le front de mer, je cours, enfin je me bouge plus vite que la normale, avec en tête, le permanent comba t contre la saloperie, et la litanie des irréels objectifs qu'on se fixe dans nos situations, du genre:
"Si tu lâches t'es trop nul, la maladie te chopera définitivement".
"ne craques pas, acceléres jusqu'au poteau la bas, sinon retour à l'hosto etc etc.
Celà fait maintenant 14 km que je cours en "hors la loi", contre le docte avis de mon hématologue, me conseillant de marcher et non courir, pour éviter les traumatismes osseux, liés à mon magnifique myélome dont je suis devenu l'heureux propriétaire depuis 4 ans, me permettant ainsi d'accéder aux "coktails protocolaires chimios", que l'on me prépare tous les 15 jours.
Il fait beau, aux sables d'olonne, le ciel se dégage sur la mer, emportant au passage mes plus sombres pensées au profit d'un sentiment de bien être croissant. Cette seule impression de bien être dans l' effort, a de plus, la chance d'être accompagnée dans mon oreille, par une émission de la bande FM sur les humoristes...
Tout va bien donc, ce samedi matin, et ma situation morale du moment, me conforte dans l 'intérêt de me battre pour faire reculer, ou empêcher d'avancer la maladie, chaque jour.
Et puis arrive 11heures, et l'obligatoire rencontre avec les actualités du monde dans mon oreillette ....
"Bernard Giraudeau est mort".....Oups!
Impossible message, moi qui depuis quelques temps avait pris contact avec Anne Laurence et La Maison du cancer , moi qui avait pu apprécier le digne combat de B.GIRAUDEAU, ex grand sportif (oui , acteur, écrivain et réalisateur aussi), qui avait si mes souvenirs sont bons, participé au raid gauloise et à la diagonale du fou.
Alors oui, impossible message, inacceptable message qui en un dixième de seconde, vient balayer ma conviction, que se battre suffit à écarter et de tuer la bête.
Brutal retour à la réalité que d'accepter cette évidence : le courage ne suffit pas...Nos héros peuvent mourrir...Et nous aussi donc, depuis que nous nous sommes retrouvés affublés du vocable :"héros ordinaires"..
"Bernard Giraudeau est mort"...Coup de frein dans ma tête , immédiatement répercuté dans mes jambes, qui ont décidé de moins me porter. Au milieu des joggeurs du dimanche, surtout ne pas montrer ma peine, juste profiter des embruns, pour venir masquer des larmes qui sont venues remplir mes yeux.
Les héros sont donc mortels? Non, c 'est pas possible!
Sûrement dans quelques minutes, un rectificatif tombera pour infirmer cette annonce, pour nous permettre de croire encore à nos rêves, et de nous donner encore le courage de nous battre.
Oui, je suis naïf, ça n'arrivera pas. Mais je vais continuer a l'être, en prenant ce matin mon vélo, pour faire 70 km , même si les 10 derniers seront sûrement pénibles.
Bernard l'aurait fait, et n'aurait pas aimé apprendre qu'hier on avait pleuré....